23 novembre 2015 1 23 /11 /novembre /2015 00:28

Je vis totalement en apnée depuis dix jours. C'est vraiment la sensation que ça donne. Impossible de prendre du recul, impossible de vivre pleinement le quotidien, impossible de me détacher de l'angoisse du retour de la maladie. Je fais tout machinalement, comme si je flottais dans une bulle, et la peur ne me quitte pas, jour et nuit.

 

Quand je le regarde, je me demande constamment s'il n'est pas plus fatigué que d'habitude, si ce bleu est normal ou si c'est un signe d'alerte, s'il ne boiterait pas légèrement... On nous a dit de surveiller d'éventuels signes, alors je veille au grain, je demande l'air de rien s'il n'a pas de douleurs, s'il se sent bien... Mais comme me le dit si justement Julien, à force de demander, je finirai forcément par obtenir une réponse positive, alors je me raisonne et je limite mes questions, en me disant que si c'était le cas il nous en ferait part. Seulement Lucas n'est pas du genre à se plaindre facilement, alors le jour où il se plaindra d'une douleur, ça fera un moment qu'il avait mal...

 

J'essaie aussi de masquer mon angoisse et de cacher cette peur aux enfants, parce que ça ne sert à rien de les inquiéter avec des incertitudes, mais je sais bien qu'ils le sentent malgré tout et que mon sourire de façade ne les trompe pas. On a essayé de préserver Lucas, sans lui cacher la vérité pour autant. Il sait que les examens n'ont pas donné de résultats suffisants et qu'il faudra les refaire en janvier, mais il n'a pas conscience (du moins je ne crois pas) que si on les refait c'est qu'on a un sérieux doute. Lui ce qu'il a surtout retenu, c'est que c'était après Noël, donc loin... Malgré tout ils sentent bien que tout n'est pas tout à fait normal à la maison, on voit qu'ils demandent plus de câlins, plus d'attention. Comme s'ils disaient avec leurs gestes "je suis là pour te réconforter, ça va aller"...

 

Malgré tous mes efforts j'agis au quotidien le ventre noué, me disant que si ça se trouve c'est la dernière fois qu'on fait telle ou telle chose tranquillement. C'est tout bête, je sais, mais c'est plus fort que moi... Je le vois manger son bol de céréales au petit déjeuner et je repense aux longs mois où il n'avalait plus rien. Je ressors un reste du frigo et je repense aux règles si strictes d'aplasie qui interdisaient formellement de manger quelque chose qui ne venait pas d'être ouvert. Je fais le ménage et je repense là aussi aux règles hyper-strictes qu'on devait suivre à la lettre. Je l'emmène à l'école et je repense à ces longs mois d'éviction scolaire, à tous ces efforts pour rattraper le temps perdu et au manque des copains qu'il a tant ressenti. Je les vois si complices avec sa sœur, et je repense à ces semaines entières où ils étaient séparés ou qu'il était simplement trop fatigué pour jouer. Je le vois s'éclater à faire de la trottinette ou aller à la piscine, et je me dis que tout ça c'était interdit avec le KT... Je mesure la chance qu'on a de vivre à nouveau comme une famille, et j'ai tellement peur que ça recommence !

 

La vie est fragile, on l'a bien vu avec les derniers évènements, mais quand ça touche sa propre famille, ses propres enfants, ça prend un sens bien différent. J'ai PEUR. Tout simplement. Je ne vis plus et je compte les jours...

Et pourtant, je me sens coupable d'être aussi affectée par ce qui n'est, pour l'instant, qu'un "risque potentiel". Alors que d'autres enfants sont, eux, vraiment en rechute, je devrais profiter de la vie tant qu'on peut encore la vivre normalement, et m'estimer heureuse d'avoir encore cet espoir que ça ne soit rien de grave. Mais ce "risque potentiel" implique tellement de choses... Il ne s'agit pas d'un simple rhume, si les prochains examens montrent qu'il s'agit bien d'une rechute c'est toute sa vie qui basculera (la nôtre aussi) et les solutions thérapeutiques seront limitées. Pour être vraiment claire, l'issue plus que probable c'est qu'il ne s'en sorte pas... J'aimerais pouvoir faire la part des choses et mettre cette idée de côté, mais je n'y arrive pas. Plus que jamais je crois, j'ai peur de perdre mon enfant.

 

 

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commentaires

S
chère Sophie, ces lignes sont bouleversantes. Ne culpabilisez pas, vous avez vécu plusieurs années en enfer et vous n'avez aucune envie d'y retourner. Quoi de plus normal ? La vie a infligé à votre famille une terrible épreuve que vous avez traversée avec brio, courage, détermination, intelligence, et là il vous faudrait recommencer ? impensable ! "Rester positive, avoir confiance" c'est tout simplement impossible quand il s'agit de la vie de nos enfants. Nous les internautes nous sommes tous à vos côtés avec nos pensées positives et amicales, pour ma part je vais prier pour que Lucas aille bien. Plus les mois passent, les années, et plus, apparemment, la possibilité d'une rechute s'éloigne... Pour vous dénouer le ventre, essayez la respiration du yoga : assise droite, les pieds bien à plat, on inspire par le nez en gonflant le ventre puis en gonflant les poumons, on bloque le plus longtemps possible et on expire lentement par la bouche en pensant à une image apaisante : la mer, le ciel, la forêt... on répète cet exercice 3 ou 4 fois et on se détend, la pression artérielle baisse, le rythme cardiaque se ralenti. Cette hyper oxygénation, c'est le contraire de votre "apnée" et vous allez vous sentir mieux.<br /> Je vous embrasse ainsi que ptit guerrier.
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M
Bonjour Sophie,<br /> <br /> Je crois que personne ne pourrait vivre " normalement " avec cette épée de Damoclès au - dessus de la tête. Je pense très souvent à vous et à votre petit. On ne sait pas ce que l'avenir vous réserve.D'un côté les médecins ont vu une image suspecte, qu'ils ne savent expliquer et l'on sait que les rechutes sont fréquentes dans le neuroblastome, mais d'un autre côté Lucas n'a pas de symptôme, cela fait plus de trois ans qu'il est en rémission (dans le CHU ou mon fils est suivi, il n' y a aucun enfant en rechute du neuroblastome, qui était en rémission depuis 3 ans ou plus. Ce n'est peut-être pas significatif mais quand même !) Enfin, j'ai déjà rencontré des parents à qui l'on avait fait des frayeurs avec des images suspectes, sans que rien ne se confirme. Je l'ai aussi lu à deux reprises sur des blogs d'enfant malade. Alors je rejoins Fanny: jusqu'à preuve du contraire, Lucas est en rémission et malgré cette image, nous avons de bonnes raisons de garder espoir. <br /> Je vous embrasse très fort et je continue d'allumer "ma bougie de l'espérance" tous les soirs. Marie
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F
Courage Sophie. Je comprends bien que l'attente, et le doute, sont terribles. C'est tout à fait normal d'avoir peur, même moi qui ne connais pas Lucas autrement que par vos écrits, votre message m'a porté un coup. Pour surmonter l'attente, peut-être y a-t-il dans les hôpitaux des psychologues habitués à ce genre de situation que vous pourriez voir ? Dans un autre cadre, mais à l’hôpital, je connais quelqu'un pour qui cette aide a été précieuse. <br /> J'espère de tout mon cœur que les prochains examens de Lucas seront rassurants. Après tout, pour l'instant (et j'espère pour longtemps encore) il est en rémission, et il n'y a pas de signe de la maladie. Cette image pas claire (mais pas nette non plus) peut signifier tout autre chose que ce que vous craignez. Je ne sais que vous dire, d'essayer de lâcher prise et de profiter du moment présent (mais je sais que c'est plus facile à dire qu'à faire). Bises à tous les quatre, on pense à vous.
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M
Je te lis et comme souvent j'ai l'impression de me lire ou relire. Tu n'as pas a culpabiliser de t'inquièter c'est tellement normal. Tu ne peux pas profiter de tous les moments qui le pourrait. Je te comprend tellement dans cette angoisse permanente c'est impossible de ne pas y penser sans arrêt et j'attends avec toi.<br /> Je connais trop ces instants cruels pour des parents quand tout est derrière nous et la peur que cela nous rattrape.<br /> Sophie je suis de tout coeur avec toi, n'hésite pas si besoin. <br /> Lucas je te suis depuis le début lire le blog de ta maman m'a beaucoup aidé au début de la maladie de Nolann . Tu es mon héros continue a te battre .<br /> On pense fort a vous et vivement l'année prochaine pour enfin savoir...
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C
Sophie,<br /> Je vous ai suivie par l'intermédiaire de la maman de Clara. J'ai lu tous vos articles, vos récits tellement riches. J'ai admiré votre courage, et comprends votre grand désarroi, vos peurs, vos angoisses, tellement palpables. Mais l'angoisse d'anticipation est une vermine qui nous ronge, qui gaspille de l'énergie. Remplissez vos journées, fixez-vous des activités, aussi minimes soient-elles: cuisine, pâtisserie, balades, jeux, films, bricolage: pour Noël, armez-vous de papiers colorés, feutres et peintures... Concentrez-vous sur l'ici et maintenant: c'est dur, mais indispensable à votre mental. Il vous faut court-circuiter les idées noires. Vous ne les empêcherez pas de surgir, mais ne les laisser pas vous ronger. Courage, courage, courage.
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H
Je vous souhaite beaucoup de courage... Il faut garder espoir tant qu'un verdict n'est pas tombé. Profitez de chaque minute pour vous aimer, jouer, rire<br /> <br /> Une grosse pensée pour Lucas et longue vie a lui.
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K
sophie,<br /> je compends ton angoisse qui est réelle, mais je voudrais te dire de vivre les moments présents.<br /> Lucas continue à bien grandir, alors, regarde le jouer, rire, vivre et ne pense pas au pire.<br /> Tu vas y laisser ta santé, t'épuiser dans tes pensées. Je t'envoie une cargaison d'ondes positives remplis d'amitié et de tendresse, puissent elles chasser toutes tes idées noires !!!!<br /> <br /> lance toi dans les préparatifs et décorations de noël, force toi, et tu verras toute la maisonnée retentira de joie et de bonheur.<br /> <br /> Je te tiens la main, et je t'embrasse bien affectueusement.<br /> Kikie
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M
Olalala je comprends tellement comment rester serein? Comment ne pas imaginer le pire quand il y a le passe derrière votre combat qui a laisser des plaies ...<br /> <br /> Je souhaite de tout mon coeur et je croise tout ce que je peux a défaut de prier car je ne crois pas que ça ne soit pas ça <br /> <br /> J espère que vous aller arriver à occuper le temps jusque là <br /> Mais quoi qu il en soit profitez au maximum de votre famille
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L
je comprends tellement ce que vous ressentez... depuis que je suis malade j'ai eu une période ou j'allais mieux, pendant quelques mois je pouvais courir, marcher, manger normalement, aller en cours, bref vivre normalement (même si certains symptomes étaient présent). les crises de convulsions avaient cesser (grace aux traitements) et j'étais vraiment heureuse...<br /> et puis un jour les médecins m'ont annoncer que ça recommençait, je m'en était rendu compte parce que j'étais plus fatiguée et j'arrivais de moins en moins à marcher... mais tant que je n'avais pas vu les médecins, fait les examens je ne voulais pas penser à une rechute et j'ai continuer de vivre sans trop y penser... je voulais profiter de la vie en me disant que j'aurais tout le temps de pleurer quand les médecins m'auront annoncer officiellement la rechute... <br /> finalement oui j'avais rechuter et la maladie à continuer d'évoluer... à ce moment la je me suis sentie vraiment mal, mais je ne regrettais pas d'avoir pu profiter de ma vie les dernières semaines avant la rechute. j'ai mis quelques jours à réaliser que tout recommençait, je ne voulais pas revivre tout ce que j'avais déjà vécu... mais j'ai décider de me battre encore, de garder espoir, de profiter des bons moments et de transformer les mauvais pour qu'ils soient le meilleurs possible... aujourd'hui la maladie continue de me grignoter mais je ne la laisserais pas m'empêcher d'être heureuse.<br /> lucas est un petit garçon extrêmement courageux, et vous vous êtes une maman extrêmement courageuse, il faut continuer à y croire, à vivre chaques instant sans trop penser au lendemain, et j'espère de tout coeur que pour lucas ce ne sera pas une rechute...<br /> <br /> je pense très fort à vous, si vous avez besoin de quoi que ce soit n'hésitez pas <3 <3
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Présentation

  • : Lucas, sa vie, son combat.
  • : Le combat de Lucas, 4 ans 1/2 ans au moment du diagnostic en 2011, contre une vilaine maladie appelée neuroblastome métastatique de stade IV (cancer pédiatrique). Un récit écrit par sa Maman au jour le jour pour partager avec vous les petits et gros soucis du quotidien tout au long de cette épreuve. Laissez un commentaire lors de vos visites ça nous fera très plaisir.
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