Lucas est de retour à l'école. On pourrait penser que tout est revenu à la normale, oui, on pourrait le penser... mais en fin de compte ce n'est qu'une illusion. La réalité n'est pas aussi simple...
Lucas va à l'école le matin, mais il est incapable de tenir la journée. Il passe ses après-midis à dormir pour récupérer et est couché avant 20h. Ce qui peut sembler banal pour n'importe quel autre enfant lui demande une énergie énorme, et il fatigue bien plus vite que les autres.
Lorsqu'il est à l'école il est en décalage avec les autres. Il lui manque certaines notions de l'année dernière, il lui manque aussi ce que les petits copains ont fait la veille. Et puis vendredi il a une fois de plus dû dire au-revoir à la classe et repartir pour deux semaines d'hospitalisation.
Pendant les récréations, c'est pareil. Lucas n'a pas le droit de courir, Lucas ne doit pas être bousculé, Lucas doit faire attention à son KT, Lucas doit faire attention à sa sonde, Lucas doit se désinfecter les mains en rentrant dans la classe... Lucas est différent.
Et puis il y a a chimio qui a laissé des dégâts irréversibles au niveau de l'audition. Ce n'est pas nouveau, on le savait, mais là ça devient vraiment handicapant pour Lucas. La maitresse a rapidement noté qu'il était gêné pour suivre les explications et si on n'agit pas dès maintenant il ne pourra pas apprendre correctement à lire et à écrire. On a rendez-vous avec un spécialiste dans quelques semaines pour faire le point, j'espère qu'il pourra nous apporter une solution, même si pour cela il faudra très probablement l'appareiller, et que ça me fait un peu peur.
Je pourrais continuer encore longtemps cette liste... Rien que physiquement, Lucas n'a que peu de cheveux, même s'ils repoussent progressivement, il est plus petit que les autres, il est plus maigre que les autres, il est plus pâle que les autres...
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, tout n'est pas simple. Et c'est difficile de faire comprendre aux autres que notre réalité est encore loin de la leur, et que malgré le sourire qu'on affiche et la bonne humeur dont on fait volontairement preuve, le quotidien n'est pas rose. Il faudra du temps pour que le spectre de la maladie s'éloigne.
Malgré tout je n'ai pas le droit de me plaindre. J'ai une chance inestimable de pouvoir emmener mon petit garçon à l'école tous les matins, je me le dis tous les jours, et en l'y conduisant je pense très fort à ceux qui sont encore à l'hôpital et aux petites étoiles qui ne sont plus là. Parfois même je culpabilise. Combien de Mamans rêveraient d'être à ma place ? Combien de fois ai-je rêvé moi-même de vivre ces moments ? Alors pourquoi, aujourd'hui, ne suis-je pas capable d'en profiter pleinement et de les apprécier à leur juste valeur ?
Ah, pas facile tout ça... Et puis il y a le retour à l'hôpital, qui fait toujours l'effet d'une douche froide, les nouvelles des autres enfants qui ne sont pas celles qu'on espérait, Jade qui est malade à la maison, et puis les six ans de Lucas qui arrivent à la fin de la semaine, et qu'on fêtera encore une fois à l'hôpital...