Un an aujourd'hui que le couperet est tombé. Un an que la rechute nous a été annoncée. Un an que nous avons repris le combat acharné contre ce satané neuroblastome. Un an de doutes, d'angoisses, de colère, d'impuissance face à autant d'injustice. Un an de sacrifices et de souffrances, autant physiques que morales. Un an de chimios, d'hospitalisations, d'examens, de prises de sang, de transfusions, de médicaments à prendre tous les jours...
J'étais loin d'imaginer il y a un an où on en serait aujourd'hui. Lucas était en pleine forme, il courait partout, il croquait la vie à pleines dents, et pour la première fois j'allais un peu plus sereinement au rdv avec l'oncologue. Pour la première fois, je m'étais autorisée à penser à l'horizon de la guérison qui approchait peu à peu... La nouvelle m'a vraiment fait tomber de haut. Tout s'est écroulé, de façon encore plus brutale que la première fois, et pendant des semaines j'ai vécu comme un zombie, comme flottant dans une réalité parallèle. Je regardais Lucas et je me disais qu'il allait mourir, je connaissais les statistiques, "on ne guérit pas un enfant qui rechute", et j'étais franchement incapable de penser à autre chose. J'ai passé des dizaines, peut-être même des centaines d'heures sur le net à chercher le traitement miraculeux qui pourrait le sauver, n'importe quelle piste, n'importe quel espoir... J'y ai passé mes nuits, j'ai lu le parcours de dizaines d'enfants, en France et aux USA, j'ai espéré en voyant qu'ils suivaient des essais thérapeutiques, j'ai creusé toutes les pistes, et puis je suis passée de désillusion en désillusion, en voyant que leurs histoires se terminaient malheureusement toutes par la même issue... A ce jour, Y. est le seul enfant que je connaisse qui soit guéri d'une rechute (et encore c'est un cas très particulier...), mais comment ne pas se battre, même quand on sait que les chances sont infimes ? Alors on s'est lancés dans le combat, on a baissé la tête et on a foncé... après tout, on n'avait pas vraiment d'autre choix ! Et puis finalement il faut croire qu'on se fait à tout, aujourd'hui la situation n'est pas meilleure, l'avenir pas plus rassurant, mais c'est devenu notre réalité et on s'y est fait (ou du moins, on essaye de ne pas y penser).
Cette année c'est aussi un an de bonheurs malgré tout. Un an rempli de rencontres précieuses, d'émotions partagées, d'échanges avec des personnes qui ont parfois elles-aussi leurs propres difficultés, mais toutes un cœur énorme. Un an de situations parfois inattendues, mais dans lesquelles nous avons su trouver de quoi nous réjouir. Un an qui nous a appris encore un peu plus à apprécier chaque instant car la vie ne tient qu'à un fil et que tout peut basculer en une seconde.
"Le bonheur ce n'est pas que tout soit parfait, c'est d'apprécier et de se satisfaire de ce qu'on a".
Lucas est un guerrier, un champion, un super-héros. Il m'impressionne tous les jours. Il a affronté toutes les épreuves que la vie lui a imposées cette année sans jamais se plaindre, a toujours gardé le sourire accroché aux lèvres quelque soit la situation, il "fait avec" et puis c'est tout. C'est ma lumière dans la tempête, c'est en lui que je puise ma force quand je n'en peux plus. Il suffit que je le regarde et je sais pourquoi je me bats, je me souviens que je n'ai pas le droit de baisser les bras. Je ne sais pas où il puise cette énergie et cette force de vie mais elle semble inépuisable et c'est elle qui nous pousse tous en avant. Combien de temps je ne sais pas, mais ensemble nous irons jusqu'au bout.
Combien de temps tiendrons-nous ? C'est une bonne question... enfin "bonne", je ne sais pas. Les statistiques sont cruelles et implacables, on le sait, on vit avec au quotidien et on en cauchemarde la nuit. L'avenir est plus qu'incertain et cette pensée reste ancrée en moi à longueur de temps, comme une bouffée d'angoisse qui reste tapie dans un coin et qui ressurgit lorsqu'on ne s'y attend pas. On essaye de la mettre de côté pour faire bonne figure mais au fond elle ne nous quitte jamais, et il n'y a pas un seul jour cette année où je n'y ai pas pensé. Malgré cela, aujourd'hui ça fait un an qu'on se bat et qu'on fait reculer la maladie, un an de traitements mais un an de gagné ! L'an dernier à cette même date, il n'était pas sûr du tout que Lucas soit encore là aujourd'hui. Alors on savoure, on apprécie sa présence à nos côtés, et on se dit que chaque jour de plus est un jour de gagné. Tellement de familles n'ont aujourd'hui plus cette chance...
On continue d'avancer sur ce chemin qui pour l'instant semble efficace. Les derniers résultats montraient que la maladie ne régressait plus, mais au moins elle était stable, alors on attend les prochains avec encore un peu plus d'angoisse (si c'est faisable !) et on espère très fort que ça restera stable le plus longtemps possible. Sinon et bien on avisera et on essayera de prendre les meilleures décisions en fonction des choix qu'on aura... Je ne sais pas où on en sera l'année prochaine. Après tout, qui peut savoir où il en sera dans un an ? Personne, mais nous, nous savons que cette année sera dure, quelque soit le chemin pris. Au mieux, nous serons toujours avec cette chimio, en train de jongler entre les traitements, les effets secondaires et un quotidien aussi normal que possible. Au pire... mieux vaut ne pas y penser ! On a appris à vivre au quotidien, un jour après l'autre, sans faire de projets, mais c'est épuisant. J'aimerais tellement penser à nos vacances de cet été comme beaucoup d'entre vous !
Mon petit bonheur aujourd'hui, c'est évidemment d'avoir pu serrer dans mes bras mon petit garçon, mon grand héros... qui a râlé parce que mon bisou de ce matin durait un peu trop longtemps à son goût, mais que j'aime tellement fort !