Voici le témoignage très instructif de Vincent, le papa de Baptiste qui se bat contre un neuroblastome.
"Je viens apporter ici le témoignage d'un papa, point de vue peu souvent mis en avant, et je remercie Sophie de me permettre de le faire ici.
Comme Lucas, mon fils Baptiste se bat aussi contre un neuroblastome. Il est en traitement depuis 8 mois et suit actuellement l'immunothérapie. C'est un petit bonhomme de 4 ans plein d'énergie, qui ne se plaint jamais et garde la pêche quoi qu'il arrive.
On parle souvent des mamans qui sont plus présentes à l'hôpital aux côtés de leur enfant. Mais il ne faut pas oublier les papas. Quand on a appris la maladie de Baptiste il a fallu faire un choix, il fallait que l'un d'entre nous arrête de travailler pour accompagner Baptiste et que l'autre continue pour pouvoir faire vivre la famille, car malheureusement l'argent ne tombe pas du ciel. Pour diverses raisons pratiques c'est sa maman qui a mis sa vie professionnelle entre parenthèses. C'est donc elle qui va aux rendez-vous, elle qui est présente en journée avec Baptiste, elle qui s'en occupe aussi à la maison car il ne peut pas aller à l'école ni être gardé en collectivité. Moi je travaille du lundi au vendredi, je dors avec lui deux nuits par semaine lorsqu'il est hospitalisé et je prends le relai les weekends. En dehors de ça j'assure les tâches du quotidien, je vais faire les courses sur ma pause de midi, en rentrant je fais le ménage, les lessives, le repassage, je gère l'administratif, je vais à la pharmacie... Je fais en sorte que ma femme soit disponible pour Baptiste en la soulageant au maximum sur le plan pratique.
Lorsque je suis au travail mes pensées sont constamment tournées vers eux, il n'est pas rare que j'échange une dizaine de sms dans la journée, et quand ça ne va pas je n'ai qu'une envie c'est être auprès de lui. Mais je ne peux pas, mon employeur m'a bien fait comprendre que si je suis trop absent ou si je suis moins performant qu'avant, c'est la porte. J'ai déjà épuisé tous mes congés alors, même quand il a été en chambre stérile pour sa greffe ou qu'il a été transféré en réanimation, j'ai continué à travailler. Pour beaucoup j'ai de la chance d'avoir cet échappatoire comme bouffée d'oxygène mais croyez moi, c'est une vraie torture quand on sait que la situation est critique, que tout peut basculer en une seconde et qu'on est loin, impuissant, sans savoir ce qui se passe.
Quand je suis à l'hôpital, j'ai parfois l'impression d'être perdu car je ne suis pas toujours au courant des dernières décisions. Tout évolue tellement vite que, même si on communique beaucoup avec ma femme, il y a certains détails qui m'échappent forcément. Quand le personnel médical entre dans la chambre ils s'adressent spontanément à ma femme, ou quand elle n'est pas là ils me disent "on verra ça avec la maman". Pourtant Baptiste est mon fils, et c'est parfois dur à encaisser. Par la force des choses, au bout de quelques mois j'ai fini par me mettre en retrait, pensant que ma femme saurait forcément mieux. Elle, de son côté, trouvant pesant que je me repose trop sur elle, cela a entrainé pas mal de tensions entre nous jusqu'à ce que nous mettions les choses à plat.
Ma femme est très émotive et quand rien ne va, que nous sommes au creux de la vague, elle rentre bouleversée. C'est normal, c'est la maman. Moi, il faut que je sois fort, après tout je suis le papa. Encore un cliché bien ancré dans la tête des gens. En réalité je ne suis pas moins sensible, les émotions sont les mêmes et il est ridicule de penser que je puisse être moins touché par l'état de santé de mon fils. Mais un homme de pleure pas, un homme ne montre pas ses faiblesses, alors je fais le fort et j'encaisse.
Voilà mon quotidien de papa d'enfant malade. Nous sommes souvent dans l'ombre des mamans mais nous ne sommes pas moins impliqués. Nous sommes des humains, nous aimons nos enfants de tout notre coeur et nous faisons le maximum pour les aider dans leur combat. Alors s'il vous plait, ne nous oubliez pas."
Vincent