Par où commencer ? Il y a des messages qu'on ne voudrait jamais avoir à écrire, et pourtant… Si j'ai été silencieuse ces derniers jours, c'est que les nouvelles ne sont pas bonnes.
Nous étions attendus à l'hôpital lundi pour voir le médecin et normalement commencer enfin la chimio. Mais une fois là bas on nous dit que le médecin est absent, que l'interne n'est pas au courant et qu'on ne fera rien aujourd'hui, qu'il faut revenir le lendemain. Bizarre… On ressort un peu déboussolés et j'ai comme une mauvaise intuition, une peur panique qui se réveille au fond de moi, ce n'est pas normal, ça n'augure rien de bon… Tout au long de la journée, de la soirée et de la nuit, plus j'y pense plus je stresse…
Le lendemain nous revenons, nous voyons le médecin cette fois-ci et là c'est la douche froide. Le myélogramme n'est pas bon, la moelle de Lucas est très affaiblie et ne supportera pas d'autre cure. On arrête la chimio, c'est fini… Le monde s'écroule, comment ça plus de chimio ? Alors on arrête tout ? On baisse les bras ? On le laisse mourir ? Je suis anéantie, je me retiens tant bien que mal car Lucas est là mais j'ai l'impression que le sol se dérobe sous mes pieds et je suis effondrée. Depuis trois jours je suis comme une zombie, je ne dors plus, j'ai les mains qui tremblent, les larmes au bord des lèvres, des nausées en continu, le cerveau paralysé… Mais comment est-ce possible ? On arrive le matin avec nos valises pour une semaine de chimio et on en ressort sans rien, avec un petit garçon qu'ils considèrent en fin de vie ? On a un rdv trois jours plus tard alors on essaye de ne pas y croire, attendons, on aura plus d'infos vendredi, peut-être qu'on a mal compris… oui ça doit être ça, il doit y avoir une explication ! Trois jours interminables à flotter dans une réalité qu'on refuse d'imaginer…
Et puis on arrive au rdv aujourd'hui, sans Lucas, juste Julien et moi, pour discuter avec le médecin de la situation. Un rdv indescriptible, insoutenable, insupportable… Si mardi elle a pris des gants, aujourd'hui les choses ont été dites très clairement. Il n'y a plus de traitement pour sauver Lucas, ni même pour espérer faire reculer la maladie, même juste un peu. Son corps est trop abimé et trop fatigué. Les reins, les intestins, la moelle… tous les traitements utilisés jusqu'ici l'ont épuisé et la priorité maintenant c'est son confort. La maladie va progresser inexorablement, et il faudra aviser au fur et à mesure que les effets apparaitront… Mon dieu que c'est dur d'entendre ça ! Il n'y a plus de solution. Rien ne pourra sauver mon fils. Mon petit garçon va mourir… Il va avoir de la chimio à très faible dose en comprimés à la maison pour essayer de ralentir l'évolution mais ça ne changera rien, ça nous donnera juste l'impression d'être un peu moins impuissants… C'est quelque chose de très important pour Lucas, il l'a exprimé plusieurs fois, au médecin et à nous, il ne veut pas baisser les bras, il veut se battre jusqu'au bout, et sa plus grande peur était d'arrêter les traitements… Il me l'a redit hier encore, des larmes plein les yeux : "Maman, dis-lui bien qu'il faut qu'elle me trouve un traitement, elle n'a pas le droit de me lâcher"... Alors tant qu'il le supporte on va s'accrocher à ça, et lui permettre de garder un tout petit espoir.
C'est tellement dur… Je ne veux pas perdre mon fils. Je ne veux pas qu'il souffre, qu'il ait mal. Je ne veux pas qu'il ait peur. Je ne veux pas qu'il voit la maladie progresser et le détruire petit à petit. Je voudrais tellement le protéger… Comment faire face à tout ça ? Comment accepter ? Comment tenir ? Comment survivre ?
Comment trouver les mots, face à Lucas ? Face à Jade qui n'était pas là cette semaine et qui rentre demain ? Comment leur donner la force de tenir malgré tout et de continuer à vivre tant qu'on peut ? On nous dit de profiter… Mais comment profiter d'une situation comme celle-là ????
Je n'ai plus de mots, que des larmes, de l'impuissance, de la colère… Aujourd'hui c'était la Sainte Sophie, et on m'a annoncé que mon petit garçon allait mourir. Le pire jour de toute ma vie. Le début du reste de ma vie… Petit prince on t'aime tellement fort ! Tellement tellement tellement fort !