Ca y est, mon petit amour est entre les mains des chirurgiens...
La journée a commencé à 7h ce matin avec le passage de l'auxiliaire. Ils ont commencé à le préparer, médicaments, douche à la bétadine... Papa est arrivé à 7h45. Il a trouvé un Lucas complètement fermé, niché dans mes bras et qui n'a pas lâché un seul mot.
Une heure après l'infirmière est venue nous prévenir qu'il allait être l'heure. Montée d'angoisse, ce sont les derniers instants avant la séparation... Vite, profiter de Lucas et de ces précieuses minutes qui nous restent.
Puis le brancardier est arrivé, et Lucas s'est mis à pleurer. Il s'aggripait à mes bras et ne voulait pas me lâcher. On nous avait dit qu'on avait le droit de l'accompagner jusqu'à l'entrée du bloc alors j'ai demandé si je pouvais le porter jusqu'à la porte, mais le brancardier a répondu que ce serait moins difficile de le faire ici. Alors j'ai négocié un dernier calin... Quelques secondes de plus pour le serrer fort dans mes bras avant de le déposer sur le brancard. J'ai promis de ne pas lui lâcher la main, alors il a fini par accepter, à contre-coeur. Et nous sommes partis... Le couloir, la porte du service, l'ascenseur, encore des couloirs, plus question de faire marche arrière. Et toujours sa petite main serrée dans la mienne... Et son père de l'autre côté du brancard.
Puis le moment tant redouté est arrivé... Le bloc, limite infranchissable, et le moment de se dire au-revoir. Lucas s'est mis à hurler, j'ai ravalé mes larmes pour lui ré-expliquer une dernière fois qu'il ne fallait pas s'inquiéter, qu'il allait faire un gros dodo, que les docteurs allaient enfin lui retirer cette vilaine méchante boule, que tout irait bien, qu'il ne sentirait rien et que quand il se réveillerait Papa et Maman seraient là avec lui... Je lui ai murmuré à l'oreille que je l'aimais fort fort fort, je lui ai fait un dernier bisou et puis ils l'ont emmené. Les portes se sont refermées, et j'ai entendu ses cris continuer de retentir à travers les murs pendant de longues minutes... Ce que j'ai lu dans son regard à ce moment-là, toute cette détresse, cette angoisse, cette révolte et cette incompréhension, je ne l'oublierai jamais.
Après son départ nous nous sommes retrouvés seuls tous les deux dans ce couloir vide, complètement perdus. Je me suis effondrée dans les bras de Julien, j'ai pleuré, pleuré, incapable de faire quoi que ce soit d'autre. Quel déchirement de le laisser ainsi !
Nous sommes remontés prendre un café dans le hall de l'hôpital, sans pouvoir échanger un mot, la gorge complètement nouée, et puis Julien a dû repartir travailler. Le corps là-bas, l'esprit toujours ici avec nous...
Voilà, mon bébé est au bloc depuis un peu plus d'une heure, il est en train de vivre les heures les plus cruciales de sa vie, et moi je me retrouve seule dans sa chambre. L'attente a débuté, le compteur est lancé, il faut être patient. Chaque minute qui passe maintenant nous rapproche de la fin de l'opération, et je louche, un oeil sur mon portable, l'autre sur ma montre ! Beaucoup de parents m'ont conseillé de sortir de l'hôpital pour rendre ces longues heures d'attente un peu plus supportables, mais je ne peux pas, je n'y arrive pas, c'est plus fort que moi. Il est là, tout près de moi, et même si ça ne change rien je suis incapable de quitter le bâtiment. Et s'il se passait quelque chose ? Si on m'appelait en urgence ?
Impossible de faire autre chose que de penser à lui, alors je viens écrire ici. Passer le temps, garder le lien, laisser une trace pour lui dire plus tard ce qu'il a traversé et à quel point il a été courageux... Vider mon sac aussi, et puis parler de lui, parce que c'est tout ce dont je suis capable en ce moment.
Je reviendrai donner des nouvelles dès que possible...