Cet après-midi Lucas m'a dit : "Va-t-en, je ne veux plus te voir, tu es méchante ! Va-t-en loin, arrête de m'embêter, j'en ai marre de toi".
Et puis ce soir j'ai eu Jade au téléphone et elle m'a fait remarquer : "Tu m'avais promis qu'on ferait de la peinture aujourd'hui mais tu n'es jamais là, j'en ai marre, il faut toujours que tu ailles à l'hôpital. Quand est-ce que tu reviens, c'est pas juste, je veux que tu rentres".
Voilà, deux petites phrases qui, à elles seules, ont eu raison de mon moral et m'ont complètement démolie. Parce que ce qui m'importe plus que tout, ce pour quoi je me bats au quotidien, avant tout le reste, c'est le bien être de mes enfants. Qu'ils soient heureux malgré tout.
J'y consacre toute mon énergie, tout ce que je fais a pour but de les préserver, de les protéger et de faire le maximum pour qu'ils souffrent le moins possible. C'est mon premier souci, je donnerais ma vie pour ça. Et quand j'entends ces petites phrases, qui sont criantes de vérité et qui viennent du fond de leur petit coeur, ça m'est franchement insupportable.
J'ai envie de tout démolir, de taper dans un mur jusqu'à m'en briser les os, de crier ma haine et ma colère envers cette maladie qui nous prive de tout. Comment peut-on accepter autant d'injustice, surtout à 7 et 5 ans ? Je veux bien supporter tout ce qu'on veut, mais pas pour mes enfants. Eux ne méritent pas ça, ils n'ont rien fait pour ça.
Alors ce soir les larmes coulent toutes seules en pensant à cette situation dans laquelle on a été plongés sans rien demander. A tout ce que la maladie nous inflige. A la souffrace de mes enfants. A leurs petites vies bouleversées. Et encore ces questions sans réponse... Pourquoi lui ? Pourquoi nous ? Quelle maman suis-je ? Suis-je capable de lui donner assez d'amour ? Suis-je assez présente, assez aimante ? Suis-je digne de mon rôle de maman ?
Comment puis-je lui infliger toute cette souffrance, même si en vérité je n'ai pas le choix ? Que peut-il bien penser d'une maman qui l'emmène à l'hôpital en sachant très bien ce qui l'attend ? Que peut-il bien comprendre, dans sa petite tête de 5 ans ? M'en veut-il ? M'en voudra-t-il encore plus tard ? J'ai l'impression d'être un monstre sans coeur, un bourreau qui emmène sa victime à l'échaffaud. Je lui fais subir tout ça, soi-disant "pour son bien", mais en attendant il souffre, dans son corps et dans sa tête. Et puis, est-ce vraiment le cas ? Est-ce véritablement "pour son bien" ? Et si ça ne fonctionnait pas ? Si nous nous trompions sur toute la ligne et que ces mois et ces mois de souffrances se révélaient finalement être une lutte "pour rien" ????? De quel droit avons-nous décidé de lui infliger tous ces traitements alors que nous n'avons aucune garantie que cela fonctionne ? Et pourtant je sais bien qu'il s'agit de l'unique chance qui lui reste pour vaincre cette saloperie et continuer de vivre...
Et puis Jade ? Ma pauvre petite Jadou qui n'a rien demandé à personne et dont la vie a été bouleversée en même temps que la notre. Qui enchaine des journées sans fin, balladée entre l'école, la garderie, la nourrice, les amis... Qui part le matin en ne sachant pas où elle atterrira le soir. Qui s'inquiète pour son petit frère qu'elle ne voit plus qu'épisodiquement et n'ose pas toujours en parler par peur de nous faire souffrir davantage. Qui voit bien que Papa et Maman sont tristes, stressés, qu'ils sont beaucoup moins disponibles pour elle, et qui pourtant ne dit rien et prend sur elle. Sauf aujourd'hui... Suis-je une bonne maman pour elle aussi ? Comment pourrais-je être plus présente ? Comment lui faire sentir que pas une seconde ne passe sans que je pense à elle et que mon coeur se serre de la savoir loin ? Comment faire pour qu'elle soit le moins perturbée par tous ces chamboulements ? Je voudrais tellement faire plus, si vous saviez. J'ai le coeur brisé. J'aurais tellement voulu d'une vie meilleure pour mes loulous... Si seulement je pouvais faire en sorte qu'ils ne subissent pas cette situation qu'aucun enfant ne devrait vivre...
Je suis désolée, ce blog est bien morose ces derniers jours. Mais il est à l'image du moral du moment... Rassurez-vous, rien ne transparait devant Lucas, tout reste à la porte de la chambre, il le faut.